Chapitre 4 : Cloud privé
Définition et positionnement
Le cloud privé est une infrastructure dédiée à une seule organisation, mais gérée avec les paradigmes et outils du cloud public : self-service, élasticité, automatisation, API. C'est un compromis entre le contrôle de l'on-premise et la flexibilité du cloud public.
Différence clé avec l'on-premise traditionnel
- On-premise classique : infrastructure statique, provisionnement manuel, pets (serveurs nommés et choyés)
- Cloud privé : infrastructure dynamique, automatisation, cattle (serveurs interchangeables et jetables)
Différence avec le cloud public
- Cloud public : multi-tenant, mutualisé, géré par un tiers
- Cloud privé : single-tenant, dédié, sous contrôle de l'organisation (ou d'un provider en mode managé)
Modèles de déploiement
On-premise private cloud
- Infrastructure dans les propres datacenters de l'organisation
- Achat et gestion du matériel par l'organisation
- Installation et maintenance de la plateforme cloud par l'organisation
- Contrôle maximal mais charge opérationnelle élevée
Hosted private cloud
- Infrastructure dédiée hébergée chez un provider
- Le matériel est dans le datacenter du provider mais dédié à l'organisation
- L'organisation ou le provider gère la couche cloud (selon le contrat)
- Exemples : IBM Cloud Private, Oracle Cloud at Customer
Managed private cloud
- Infrastructure dédiée entièrement gérée par un provider
- L'organisation consomme via API mais c'est dédié
- Le provider s'occupe de tout (hardware, platform)
- Exemples : VMware Cloud on AWS (dédié), Azure Stack
Solutions techniques principales
OpenStack
- Open source, très populaire
- Suite complète de composants (compute, storage, network, orchestration)
- Grande flexibilité mais complexité d'installation et maintenance
- Communauté active, nombreux contributeurs
- Exemples d'utilisateurs : OVH, Rackspace, CERN
VMware vCloud Suite
- Stack propriétaire VMware
- vSphere + vRealize Suite pour l'automatisation
- Intégration forte avec l'écosystème VMware (NSX, vSAN)
- Mature, enterprise-grade, support commercial fort
- Coût de licence élevé
Microsoft Azure Stack
- Extension d'Azure en on-premise
- APIs compatibles avec Azure public
- Permet des scénarios hybrides seamless
- Bon pour les organisations Microsoft
- Hardware certifié requis
Red Hat OpenShift
- Basé sur Kubernetes
- PaaS privé orienté conteneurs
- Forte automatisation, CI/CD intégré
- Open source (avec support Red Hat)
Nutanix
- Hyperconvergence (compute + storage + réseau intégrés)
- Simplicité de gestion
- API et automatisation
- Solution clé en main
Proxmox VE
- Open source (gratuit)
- Hyperviseur + orchestration
- Plus simple qu'OpenStack
- Bon pour PME ou projets moyens
Avantages
Contrôle et personnalisation
- Infrastructure dédiée à l'organisation
- Choix libres de l'architecture et des composants
- Pas de contraintes imposées par un cloud public
- Sécurité et isolation complètes
Flexibilité opérationnelle
- Automatisation et self-service comme dans le cloud
- Infrastructure as Code (IaC)
- Provisionnement rapide (minutes vs jours)
- Orchestration et élasticité
Sécurité et conformité
- Données restent dans le périmètre de l'organisation
- Conformité facilitée (RGPD, HDS, ISO 27001)
- Pas de multi-tenancy avec d'autres clients
- Audits simplifiés
Performance prévisible
- Ressources dédiées, pas de "noisy neighbors"
- Latence maîtrisée
- Bande passante garantie
- SLA sous contrôle de l'organisation
Coûts potentiellement optimisés
- Peut être plus économique que le cloud public sur le long terme
- Pas de sortie de données à facturer
- Pas de coûts cachés du cloud public
- Amortissement du matériel
Pas de vendor lock-in cloud
- Pas de dépendance aux APIs propriétaires AWS/Azure/GCP
- Technologies souvent open source ou standards
- Réversibilité facilitée
Inconvénients
Investissement initial important
- Achat de matériel (ou location de capacité dédiée)
- Licences logicielles (VMware, Red Hat...)
- Mise en place et configuration initiale
- CAPEX élevé
Complexité technique
- Installation et configuration complexes (surtout OpenStack)
- Compétences pointues requises (cloud + infra)
- Courbe d'apprentissage importante
- Debugging plus difficile qu'avec un cloud managé
Maintenance et exploitation
- Équipe ops nécessaire pour maintenir la plateforme
- Gestion des mises à jour (OS, hyperviseur, orchestrateur)
- Monitoring et supervision à mettre en place
- Gestion des pannes hardware
- Responsabilité du disaster recovery
Scalabilité limitée
- Capacité limitée par le hardware disponible
- Pas d'élasticité infinie comme le cloud public
- Besoin de provisionner de la capacité à l'avance
- Coût d'extension significatif
Pas d'accès aux services cloud natifs
- Pas de Lambda, S3, ou équivalents managés
- Nécessite de construire ou intégrer des briques équivalentes
- Innovation plus lente que les hyperscalers
- Catalogue de services limité
Time-to-market plus long
- Installation initiale longue
- Pas de démarrage en quelques minutes
- Setup d'un nouveau projet plus lourd qu'en cloud public
Positionnement et arbitrage
Cloud privé vs On-premise traditionnel
Le cloud privé apporte l'agilité opérationnelle sur une infrastructure dédiée. Si l'organisation a déjà de l'on-premise, migrer vers un cloud privé peut être une évolution naturelle pour moderniser sans aller dans le public.
Cloud privé vs Cloud public
Le cloud privé a du sens si :
- Contraintes de conformité fortes (données sensibles)
- Coûts du cloud public trop élevés à long terme
- Charge stable et prévisible
- Expertise interne forte
- Souveraineté des données critique
Mais attention : on perd l'élasticité infinie et l'innovation rapide du cloud public.
Cas d'usage pertinents
Quand choisir le cloud privé ?
- Entreprises avec contraintes réglementaires : banques, assurances, santé (mais pas critique défense)
- Workloads stables avec pics modérés : applications métier avec charge prévisible
- Migration progressive : étape intermédiaire avant le cloud public
- Organisations avec expertise ops forte : l'organisation a déjà les compétences
- Besoin de performances garanties : applications latence-sensibles
- Souveraineté sans sacrifier l'agilité : secteur public, données critiques
- Réutilisation d'infrastructure existante : l'organisation a déjà un datacenter à rentabiliser
Exemples concrets
- Une banque régionale qui veut moderniser son infrastructure tout en gardant les données en interne
- Un hôpital qui veut automatiser ses déploiements mais doit respecter HDS
- Une entreprise industrielle avec systèmes OT (Operational Technology) à isoler
- Une organisation qui a déjà investi dans VMware et veut capitaliser dessus
- Une organisation qui a un datacenter dimensionné et veut le rendre "cloud-like"
Cas où c'est moins pertinent
- Startup sans infrastructure : aller direct en cloud public
- Besoin d'innovation rapide avec services managés : cloud public
- Équipe ops réduite : le cloud privé demande des compétences
- Charges très variables : l'élasticité du public est plus adaptée